“La Passion d’Entreprendre”

Interview avec notre membre Elizabeth Lillo Renner, experte en Gemmologie.

D'où est venu votre passion pour ce que vous faites ?

Je n'avais jamais pensé faire de la gemmologie, je ne connaissais ni même n'imaginais l’existence de cette discipline.

La vie m'a donné l'opportunité de croiser cette science nouvelle (encore très méconnue en 1980) en attendant dans les locaux du laboratoire de Gemmologie de Paris pour faire expertiser des bijoux qui m'avaient été confiés. Assise dans la salle d'attente, j'ai été interpellée par une affiche au mur (!) qui proposait une formation  de gemmologue ; c'est ainsi que l'idée m'est venue. Je suis repartie avec les certificats pour les pierres que j'avais présentées et les coordonnées d'inscription à l'Institut National de Gemmologie de Paris. Une nouvelle vie commençait alors !

La passion m'est venue immédiatement. Dès le début de mes études, j'ai éprouvé énormément de plaisir à découvrir et identifier les pierres ; je me délecte encore aujourd’hui à découvrir dans chaque gemme un monde différent. Elles me surprennent et m'enchantent, et cela depuis le début ; parfois aussi elles me déçoivent ! 

La passion est-elle un atout ou un handicap en affaires ?

La passion est un avantage quand on sait la partager avec les clients, les propriétaires de pierre et les acheteurs toujours séduits par la petite histoire, mais aussi un handicap ; car l'enthousiasme à l'achat et toujours mauvaise conseillère. 

Quels sont les principaux challenges auxquels vous avez du faire face ?

Mon plus gros challenge a été de me faire une place dans un monde qui n'était alors quasiment que masculin. J'ai eu le grand bonheur d'être sous la protection de quelques grands professionnels. Ils m'ont permis d'être acceptée dans un milieu dans lequel je n'avais pas les codes et encore pas assez de connaissances ;  là, le fait d'être une femme m'a servi ; on m'a d'abord protégée et on m’a donné les clefs du métier.

Un jour, j'ai été mandatée par une des très grandes maisons pour expertiser la collection d'une de leur cliente. Les bijoux étaient tous étalés sur une table, j'étais là depuis le matin, ma loupe collée à l'œil et j'avais vraiment beaucoup à faire lorsqu'une dame, très délicate et élégante, d'une autre époque, vient s'asseoir à ma table. Au bout de quelques minutes, elle me demande : « Pouvez-vous me dire quand arrive l'expert ? » Je pose ma loupe et très simplement, peut-être avec un pincement au cœur, je lui réponds : « C’est moi ! » C'est alors qu’elle s’exclame : « Mais que je suis heureuse que ce soit une femme, j'ai toujours imaginé qu'un expert était un homme, costume foncé, les manches de chemise élimées ! »

Cette dame si délicate m'a donnée à jamais le plaisir d'être une femme heureuse dans son métier.

Vous me demandez de vous parler d'un « challenge » ; je n'ai que l'embarras du choix mais l’un d'entre eux m'a demandé beaucoup d'ingéniosité tant la demande était insolite et la réalisation difficile, car hors de tout code ; il y a à peine cinq ans, un couple d'un âge très avancé me demande de réaliser le premier bijou que le monsieur avait offert à sa jeune fiancée ; nous parlons de plus de 70 ans de vie commune ! Ils me décrivent tous deux « leur » bague, faite de pierres brutes récupérées. Je ne vous cache pas que le premier dessin était très loin de leur souvenir, il me fallut de nombreuses esquisses pour arriver au bijou final qui a redonné de la jeunesse à leurs souvenirs. Ils étaient très heureux ! et moi si fière.

Ce n'est pas le bijou le plus « fou » que j'ai eu la joie de faire, mais c'est la plus jolie histoire. Ceci confirme que le bijou est essentiel pour marquer d'une pierre les moments importants de la vie, de l'enfance à l'âge adulte.

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